Jean-François Gomez
Le « gai savoir des
éducateurs »
Eloge des
« transparents », Chroniques et récits.
L’Harmattan, 2019, 253 pages
Extraits de recensions
Extraits de la préface
Alain Jouve,
Revue Empan,
N° 116, Janvier 2020, Toulouse
Heureux celui qui se souvient et qui, non
seulement n'oublie pas mais partage souvenirs et richesses. Dans ce monde ou
règnent individualisme et désir d'immédiateté, il nous faut sauvegarder les
passeurs, ces sauveurs d'une temporalité synonyme de vie et d'humanité, ces
navigateurs infatigables qui, en eaux souvent tumultueuses, nous font passer de
rive en rive, celles qui, refusant la rupture, reconnaissent les singularités
et relient les différences générationnelles.
Dans « Le Gai savoir des éducateurs »
, livre au titre énigmatique dont on ne cesse d'interroger le sens avant d'en
découvrir la signification en fin d'ouvrage, Jean-François Gomez nous entraîne
dans ce merveilleux voyage des rencontres significatives dont on s'imprègne et
qui nourrissent vies privée et professionnelle,
Tout au long de ce livre, ces rencontres là,
l'auteur nous les fait partager, dévoilant ainsi les qualités nécessaires à les
faire vivre bien au delà de ce qu'elles sont. Sans aucun doute comme un
remerciement à ceux qui les ont inspirées, comme une offrande sans fin à tous
ceux qui pourraient y découvrir et en faire émaner sens aux actes posés et à
venir. Assurément on y retrouve là, tel que revisité par Michel Serres dans son
dernier opuscule autour du concept de transitivité, l'essai de Marcel Mauss sur
le don et contre don .
Ce livre est passionnant relatant tout autant
l'Histoire de l'éducation spécialisée que celle des combats de chacun afin
d'atténuer et de survivre au mieux au noir de l'humain, de tendre vers un vivre
ensemble meilleur. Il se parcourt comme une suite de nouvelles ; Chacune
d'entre elles nous invite à découvrir des récits de vie auxquelles on a envie
de s'identifier et qui, pour certaines, éclairent l'origine de nos propres parcours.
Vous l'aurez compris , ce livre est une éloge de
la rencontre, de celle espérée ou rêvée que nous aurions aimer concrétiser, de
celle que l'on suscite ou qui nous surprend, de toutes celles qui nous
percutent et nous font grandir. Au fil des pages on côtoie divers personnages
célèbres ou anonymes qui, par la magie de l'écriture et la sensibilité de
l'auteur, nous apparaissent souvent d'égale importance, Bel hommage en fait
pour les Tosquelles, Ladsous, Deligny.Tomkievitch.. , que de partager le
contenu de cet ouvrage avec Picassiette, Claude et Marcel, Marie Madeleine
l'infirmière, le professeur égyptien,... listes bien sûr non exhaustives
Dernière rencontre effectuée par le lecteur ,
celle de JF Gomez qui nous délivre, en parlant d'autrui, à mon sens son livre
le plus personnel . Tour à tour passionné mais lucide , respectueux et
subversif, poète et écrivain, amoureux d'autrui et de belles contrées
ancestrales, il est tout au long de ces divers récits celui qui va faciliter de
bien belles approches.
Blog Livres critiques, Juin 2019.
Depuis le Temps
des rites (Téraèdre, 2011), Jean-François Gomez nous a
habitués à des pépites. Aujourd'hui, son dernier livre, Le "gai savoir" des éducateurs, nous
plonge dans ses souvenirs, ses rencontres et ses lectures de façon
inégalée. Rendant hommage aux passeurs de sens, quels qu'ils soient, il
y affronte les déterminismes et autres sujétions aliénantes accablant
les hommes et les femmes de bonne volonté. Comment qualifier cet ouvrage aux
multiples facettes ? Un livre résistant ? Un livre fleuve ? Un livre généreux,
émaillé de confidences et de beaux exemples comme " la charrette du
fouclat" (p.43) ? Un inventaire de nos abandons, telle la perte
des notions d'expérience ou de temps ( "Maintenant, quand on
travaille on ne se régale plus ! (...)Aujourd'hui, la consigne est avant tout
de faire toujours plus vite", rapporte son forgeron,
p.23 ) Des questions impérieuses ? Et si l'enseignement mutuel, par
exemple, avait permis à l'école publique d'échapper à l' isolement ?
(cf. p. 163 ). En tous cas, ce "gai savoir" nous interpelle en
même temps qu'il ouvre de multiples
horizons. Jean-François Gomez prodigue maints
conseils tirés de son expérience d' éduc. au grand cours/ grand coeur (
cf, p.118 : "La poésie et l'humour sont les lieux privilégiés et les
armes les plus efficaces de l'éducateur" ). Il évoque
aussi ceux qui ont compté pour lui, de Fernand Deligny à Francisco
Ferrer, de Jean-Luc Einaudi à Edith Stein, de Simone Weil à Bernard Ollivier,
de La Boétie à Olivier Ameisen et bien d'autres encore... Le lecteur
ne peut qu'adhérer à sa vision du monde en (re)trouvant des repères au fil des
pages. On ose espérer que ses éditeurs s' investiront pour
procurer une large diffusion à ce "livre-bibliothèque"
(Patrick Macquaire ) formidablement stimulant.
Rozenn Caris,
Revue VST(Vie Sociale & Traitements,
revue des CEMEA),janvier 2020
La métaphore du chemin (voir L’éducation
spécialisée, un chemin de vie L’harmattan, 2007) est à nouveau filée
dans ce dernier opus, qui s’ouvre sur un texte nommé « chemin de
pierres ». Et, en guise de pierres jalonnant un cheminement J-F Gomez nous
invite au partage autour d’une trentaine de textes. Pour chacun d’entre eux, on
y trouvera une bibliographie comme autant de bifurcations possibles, de
sentiers à découvrir, à explorer. A chacun de suivre sa propre route parmi les
pistes proposées.
L’auteur du « temps des
rites » » (Téraèdre, réed. 2011) a divisé cet ouvrage en trois
parties : un départ, une traversée et peut-être un retour chez soi, à soi,
pour la partie « éthique et utopies ». Une coda conclue l’ouvrage,
comme une pièce de musique ou un chant. L’écriture de J F Gomez est assurément
poétique, mais il s’agit de récits. Elle est théorique mais s’illustre de
nombreux exemples issus de sa pratique, de son histoire. Elle est
incarnée. Elle est philosophique mais
reste celle d’un éducateur dans l’âme, de ceux qui nous accompagnent, qui nous
font traverser les passages.
Livre-passeur, « Le
gai-savoir des éducateurs » nous conte des rencontres ; de ces
rencontres qui transforment, qui forment. Il s’agit de rencontres avec des
professionnels du monde du travail social ou de l’éducation mais pas seulement :
on y croise avec lui des poètes, des résistants, des auteurs, des scouts,
des villageois … autant de portraits, de figures de l’humanité. On y trouve
aussi des réflexions sur des évènements, des thèmes ; parfois à partir
d’un mot servant de fil conducteur au déploiement de la pensée. L’auteur, qui a
été éducateur spécialisé, psychomotricien, directeur d’établissement dans le
secteur du handicap et formateur fait ainsi le récit d’histoires, vécues en
tant que professionnel du secteur medico-social, vécues en tant qu’être humain,
politique et éthique.
C’est cette exigence, ce
positionnement éthique et politique que Jean-François Gomez transmet ici aux
différentes générations d’éducateurs.
Ceux qui sont dans le métier
depuis longtemps trouveront matière à se recentrer sur leurs valeurs
professionnelles, à retrouver leurs propres figures tutélaires, les thèmes
auxquels ils tiennent. Ceux qui débutent dans le métier y trouveront, une voix
différente de celles des dérives technicistes. Tous y trouveront l’engagement,
la rencontre, le récit, le détour théorique, l’ouverture sur un champ plus
vaste.
Gérard Haddad,
psychanalyste, à
paraître
Les éducateurs spécialisés sont ces
travailleurs qui habitentdans la soute du navire social. Là ils s'occupent des
“bras cassés” que notre société produit en nombre croissant, les autistes, les
infirmes, les déclassés. Sans eux,
peut-être, le navire coulerait. Ils se désignent eux-mêmes comme les
“transparents” puisqu'ils n'attirent pas la lumière de la comédie humaine.
Dans le dernier demi-siècle, la France
mais aussi l'Italie, ont vécu une belle expérience humaine dans le domaine de
la psychiatrie et de la pédagogie où l'utopie n'était jamais loin.
Les noms du bon psychiatre Roger Gentis
qui nous a quitté il y a peu et qui voulait briser les “Murs de l'asile”, titre
d'un de ses ouvrages, ou celui de Lucien Bonnafépromoteur de la psychiatrie de
secteur, sont vivants dans la mémoire des psychiatres qui, comme moi, sont en retraite.
Il y avait la grande figure de Fernand
Deligny qui “inventa des lieux de vie” dans les Cévennes où les enfants
psychotiques ne connaitraient pas le malheur de l'enfermement en
hôpitalpsychiatrique.Et Jean et Fernand Oury
qui croyaient en la psychothérapie institutionnelle.Et derrière ces
valeureux, de grandes figures modèles qui ont poussé leur engagement jusqu'au
martyre, Simone Weil et Edith Stein, deux juives fascinées par le christianisme et quipérirentde
la barbarie nazie.
Jean-François Gomez est un des derniers
Mohicans de cette aventure dont le but
principalfut de reconnaître et d’affirmer haut et fort que derrière le
handicap, il y avait l’appartenance à “l'espèce humaine” pour parler comme
Robert Antelme. Et que cette espèce humaine souffrante méritait le dévouement
des soignants.
Le livre qu'il vient de publier a un
caractère de mosaïque, métaphore qu'il affectionne. Il se veut un album
d'images, souvenirs des rencontres merveilleuses qu'il fit dans sa longue
carrière avant de se réfugier dans un petit village de l'Hérault.Chacun de ces
courts chapitres est un petit émerveillement, renferme une surprise.
Les Argonautes
de cette aventure avait une autre passion qui nourrissait leur action
éducatrice : la poésie, celle de René Char en particulier. Pour JF Gomez, c'est
la poésie qui nous sauvera et non le DSM-5, cette poésie
qu'il découvrit au contact d'un professeur égyptien.
Mais en toile de
fond de ce livre nécessaire, on perçoit
l'angoisse, perceptible dès les premières pages, angoisse causée par la
catastrophe qui se déroule à bas bruit aussi bien dans le domaine de
l'éducation que dans celui de la psychiatrie. Que reste-t-il de toute ces expériences
missionnaires, de toute cette énergie dépensée ? Comment ne pas partager
cette angoisse ?
Guy-Arthur
Rousseau,
Paru dans le Numéro 64/Octobre 2019 de la revue Institutions,
Revue de psychothérapie institutionnelle.
Avance sur ton seuil, sous le liseron
Ouvre ta main de l’enclume vers moi
Viens
avec moi boiter dans l’avenir
Yves Bonnefoy
« L’heure présente »,
Cité en exergue du troisième chapitre
C’est sur un
chemin emprunté par le jeu de l’ombre et de la lumière que nous entraîne Jean-François Gomez dans le « Gai Savoir des éducateurs »,
chemin de traverse bordé de ces murets de pierres sèches censés orienter nos
pas mais qui, en vérité, permettent de protéger les fleurs sauvages et les
herbes folles…
Rassemblant les
notes, les articles et les chroniques qui ont balisé son histoire[1]
d’éducateur, ce livre s’adresse d’abord à ceux qui, n’ayant pas cédé sur leur
désir, tentent, malgré des vents contraires, d’en faire scintiller le sillage
tumultueux. Il est un recueil d’annales de ces métiers de l’impossible qui
cherche avec entêtement, à unir l’expérience pratique à la réflexion et à la
pensée. Il s’agit dès lors d’interpréter pour éprouver, d’interpréter pour
transmettre. Cette question de la transmission constitue d’ailleurs pour
l’auteur une inquiétude permanente. L’homme contemporain est-il encore en
mesure de transmettre son expérience ?
On retrouve au fil des pages, sur une ligne
d’erre ouverte à toute rencontre, la répétition incessante de noms qui lui sont
chers, noms de poètes, d’écrivains ou de penseurs qui s’écrivent comme les
bornes de son parcours de praticiens de l’éducation : Yves Bonnefoy, Fernand
Deligny, Albert Camus, Khalil Gibran, François Tosquelles ou Jean Oury… On lit
dans cette généalogie insistante une sorte de
« nomination par testament », formule qui, faut-il le
préciser, constitue l’étymologie du mot institution. S’ajoutent à sa liste
symbolique les portraits de ces « transparents » qui ont inspiré sa
pensée en assurant sa pratique : parmi ceux-ci, les figures attachantes de
Roger Gentils et de Stanislas Tomkiewick, consciences de notre temps et dont on
sait la position éthique soutenue avec courage dans les milieux éducatifs
d’après guerre.
Car, c’est d’une époque marquante dont
nous sommes les héritiers que rappelle Jean-François Gomez :
« Notre monde
est issu d’une guerre civile », « Hôpital de Saint-Alban en
guerre », mais aussi « Maisons de redressement sous
l’occupation », sont des titres qui évoquent, bien sûr un autre temps.
Époque périmée ? Rejetée plutôt par les injonctions
progressistes qui appellent à la
mutation, visant la sécurité par la rééducation numérique de la société et le
conditionnement des individus qui la composent. On nous dit que l’irruption du
biologique dans le politique n’offrirait plus d’autres solutions que de
s’adapter[2]
aux exigences d’experts engoncés dans leurs chiffres et qui, par conséquent,
n’ont pas de parole à tenir. A contrario, en relançant dans sa démarche les
deux jambes de la psychothérapie institutionnelle, « Le gai savoir des
éducateurs », permet une reconnaissance inattendue et paradoxale de l’élan
libertaire de 68, engendrant une responsabilité féconde animée par un désir de subversion et de
questionnement permanent de notre façon d’être au monde. Cette aspiration
s’exprime sous la plume de Jean-François Gomez par le récit de multiples
rencontres avec ceux qu’on dit inadaptés ou handicapés accueillis par lui dans
le balancement du hamac des mots, et que l’écoute attentive éclaire.
Éloquente, la
lecture de ces textes peut facilement
toucher les uns et les autres et particulièrement ceux qui ont vécu ce
passé, irritant une sensibilité à fleur de peau comme celle des « Pensées sous les nuages » de
Philippe Jaccottet : « Voilà que
désormais, toute musique de jadis lui monte aux yeux, en fortes larmes ».
Or, l’immersion
sensorielle est souvent raillée avec
hauteur par « ceux qui savent sans pratiquer », soutenant leur savoir
progressiste des arguments « d’affectation déplacée » ou de
« lyrisme non scientifique ». Revendiquant le rêve, aujourd’hui comme
hier, notre auteur ne se protège pas des affects, soumis parfois aux affres du
contre-transfert, il assume cette sensibilité : « Taxée de romantisme, la référence à ce passé, illustre le
passage d’une période éthique à un moment techno- scientifique qui n’est peut
être que technocratique, le nôtre. »
On comprend
ainsi son attachement à des penseurs qui ont toujours mis en cause le grand gel
des pratiques déshumanisantes comme
Albert Camus ou Simone Weil, cette
irréductible résistante, Antigone à la recherche d’une société
fraternelle et juste à la fois. Ses propos vivants issus d’un engagement
concret, ne sont-ils pas toujours d’une pertinence décapante ? « L’opposition
entre l’avenir et le passé est absurde. L’avenir, ne nous apporte rien ; c’est
nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie
elle-même. Mais pour donner, il faut posséder, et nous ne possédons d’autre
vie, d’autre sève que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés,
recréés par nous», rappelant ainsi la texture signifiante de ce que les
Romains appelaient déjà la Vera Vita
Viva…[3]
dans les conditions retrouvées d’une parole vraie, insoumise et féconde,
poétisant le quotidien.
Aussi, la
mosaïque disparate des écrits du « Gai Savoir des éducateurs »
témoigne-t-elle pour les générations à venir, jusque dans le silence qui sépare
et scelle les textes entre eux, d’une
expérience passée toujours en chantier. Inévaluables, leurs récits de multiples
rencontres démontrent, dans l’échec comme dans la réussite, une richesse
humaine qui n’a, désormais, pas de prix.
Son élan
désirant exprime avant tout l’engagement et la foi d’un éducateur, homme de
parole en lutte contre la servitude volontaire qui a nourri tous les
totalitarismes du siècle dernier. Jean François Gomez dénonce ainsi la forme accréditée d’un nouveau pétainisme
qui, se saisissant des algorithmes informatiques, manage la question humaine,
aliénant l’individu tout autant que ses possibilités de lien social. […]
[ …]Ce qui
fait la force de transmission des écrits de Jean-François Gomez, c’est de
pousser la porte de la littérature dont les murets de pierres sèches permettent
de répéter en écho et avec
insistance : « Lecteur, jeune ou ancien,
Avance sur ton seuil sous le liseron\ Ouvre ta main
de l’enclume vers moi[4],
ensemble nous
pourrons dire :
Et je
m’avancerai sur l’étroite jetée\Qui vacille entre les mouettes et l’écume »[5]
Patrick
Macquaire,
Éducateur
spécialisé, anthropologue,
Créateur des Rencontres internationales de mosaïque de Chartres,
Extraits de la
préface
Jean François Gomez
nous donne un livre construit comme les murs de son mazet, un livre
bibliothèque, un document riche d’histoires qu’il faut mériter, qu’il faut
relier pour trouver son chemin. Il n’a pas osé nous en abandonner tous les
secrets mais sa plume en a décidé pour lui, dans la poésie. Les faits sont là
qui surgissent pour décider et emporter la vérité. C’est de son histoire dont
il s’agit, de celle des hommes qui comme lui ont osé s’avancer. Difficile -il
ne prévient pas- d’anticiper le moment où seuls les souvenirs et les hommes
parlent pour lui. Le lecteur surpris découvre une histoire, celle d’une
communauté, celle d’une époque, un monde dont on pourrait craindre qu’il ait
disparu, s’il n’y avait les mots et les choses pour l’ériger, comme un muret ou
un mausolée, dans une forme d’éternité.
Ce texte a les
richesses et la fragilité d’une mosaïque. Fait pour rassembler il lutte pour
que, des éléments épars, triomphent les lois de l’équilibre. Il y a ce pari de
réunir, effort vrai d’une croyance en l’éphémère, rêve d’enfant qui rassemble
les objets, traces de l’incertain, éclats oubliés. Ces bouts de lacets, ces
billes et ces jouets diront le moment venu des beautés que personne n’a vues.
On peut filer la
métaphore, encore et encore, suivre le lapin et à la suite d’Alice, découvrir
les merveilles. Il n’y a pas que des merveilles dans ce livre singulier, il y a
ces moments que le temps apporte, la vie, les pierres dures, ces instants plus
incertains qui ne tiennent ensemble que
par l’effort, par le chemin, par le cap qu’on a bien voulu tenir. Ce qui décide
de l’équilibre, c’est le geste, le formidable optimisme de l’artisan, la foi du
créateur qui construit un monde pierre par pierre. Il y a ces moments d’espoir
qui font tout oublier, les mains douloureuses, les écorchures, la nuit qui
tombe sur la pierre, les livres qui se referment.
[…]Préserver,
sauvegarder, témoigner, lutter contre l’oubli ont longtemps constitué les actes
ordinaires de sa vie d’écrivain et d’éducateur. Il ne s’est pas contenté de
dire ce qu’il voyait, il s’est employé,
une vie durant, à entrainer chacun vers ce mouvement universel dont la mosaïque, témoigne. Il veut réunir, ne pas
laisser en chemin ceux qu’il a rencontrés; il dit -toute son œuvre en témoigne-
ces patients, ces usagers, ces enfants valides ou handicapés, ces
professionnels qui lui ont livré le secret inattendu de notre propre fragilité,
de notre insuffisance à tous, de notre handicap à chacun.
[…]Plus qu’une simple
trace, Gomez offre ici un établi
ouvert à tous, celui de Linhart[6]
qui luttait contre le process aliénant de travail. Il laisse sur son muret la
pierre en équilibre, celle dirait Deligny[7],
qui permettra à chacun d’ourdir un nouvel ouvrage et reprendre demain, le geste
laissé en suspens.
[1] Principalement tirés des
revues :
« Culture
et société », « Vie sociale et traitement ».
[2] CF : «Il faut savoir s’adapter,
sur un nouvel impératif politique » Barbara Stiegler. (NRF essais)
[3] La
« Vraie Vie Vive ».
[4] Yves Bonnefoy.
[5] Philippe Jaccottet. « Pensées sous les nuages »
[6] Robert Linhart, L’établi, Minuit, Paris 1978.
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